La détection de fraudes scientifiques : un marché émergeant

Une équipe de scientifiques de l’université de Syracuse aux États-Unis a récemment publié un algorithme qui permet de comparer les images d’une publication avec la production précédente de ses auteurs1. C’est une initiative heureuse, surtout au vu des récents scandales qui ont touché le CNRS. Mais il y a un problème :

Whilst the algorithm won’t be made public, it will be licensed to journals and research-integrity offices.

L’algorithme ne sera pas rendu public. Alors que de plus en plus d’agences de financement requièrent que les recherches conduites grâce à leurs fonds soient publiées en « open-access », il me semble paradoxal que cet algorithme soit gardé secret et qu’il soit proposé, moyennant finances aux offices chargés d’assurer l’intégrité scientifique et aux journaux scientifiques. Publier du code en « open-source » a des bénéfices clairs : on sait ce que fait l’algorithme, et ce code peut être amélioré de manière constante.

Outre l’amélioration de la qualité de la littérature scientifique, ce qui est plutôt bienvenu, une des conséquences possibles pourrait être l’augmentation du coût de l’abonnement aux journaux scientifiques. Coûts déjà prohibitifs, à tel point que le CNRS n’est pas arrivé à un accord avec Springer pour ses abonnements2. Ces coûts prohibitifs ont un impact sur l’accès aux connaissances, y compris pour les scientifiques, et j’avoue avoir du mal à comprendre comment une équipe universitaire scie la branche sur laquelle elle est assise.

L’article original est ici.

 

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Quand la course au scoop touche la vulgarisation des sciences

Sciences & Avenir est l’un de ces journaux de vulgarisation scientifique qui, malheureusement, donne parfois dans le sensationnalisme. C’est toujours un peu décevant de s’apercevoir que, pour certains journalistes ou rédacteurs en chef, le public ne peut s’intéresser aux sciences que si celles-ci sont spectaculaires et ceux qui les pratiquent — les scientifiques — sont soit des héros, soit des « vilains ». On comprend que, la crise de la presse écrite aidant, les journaux veuillent attirer le lecteur ; ou ne pas le faire fuir, comme les positions plus qu’ambiguës de S&A sur les OGM le suggèrent. On comprend aussi que les journalistes, précarisés comme ils le sont, doivent écrire plus et plus vite ; ce qui nuit au travail journalistique : pas de lecture critique, pas de recoupage des sources… Tout cela conduit à publier des articles dont le moins que l’on puisse dire est qu’il aurait mieux valu qu’ils n’existent jamais. Et puis, quoi de mieux pour s’assurer un minimum d’audience que de coller à l’actualité, quitte à recopier ou paraphraser les communiqués de presse sans faire les vérifications minimales ? L’article de S&A en question, titré « Zika : la piste des pesticides pour les microcéphalies ? »1 présente plusieurs de ces problèmes. On est en droit d’attendre un peu mieux d’un magazine ou d’un site qui prétend vulgariser la science. À tout le moins, on est en droit d’attendre d’un tel site qu’il ne relaie pas des rumeurs potentiellement dangereuses, surtout que le magazine est probablement lu dans des zones où le virus a été identifié, comme la Polynésie Française, la Guyane Française, la Guadeloupe et la Martinique2. Lire la suite

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Omerta pour le rapport sur le CIR

D’après Sylvestre Huet, la commission d’enquête parlementaire sur le Crédit d’Impôts Recherche va enterrer son rapport. Quand ce genre d’informations est caché aux citoyens et aux élus, on peut légitimement se poser des questions sur l’état de la démocratie en France.

http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2015/06/omerta-pour-le-rapport-sur-le-cir-.html

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Reductio ad Monsantum

Avertissement : cet article comporte de nombreuses notes, nombre d’entre elles sont en Anglais. Elles sont importantes pour illustrer mon propos et sourcer mes affirmations, si elles ne peuvent être lues par tous, je m’en excuse.


Je ne sais pas si beaucoup de gens ayant une approche rationnelle vis-à-vis de la question des OGM ont régulièrement des discussions avec des anti-OGM pur jus. Ça m’est arrivé. Souvent, ça donne à peu près ça : Lire la suite

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Au bal des hypocrites, Onfray mène la danse.

La défense de la liberté d’expression de Zemmour par Onfray n’est pas réellement une surprise : comme certains athées célèbres dans le monde anglo-saxon (je pense notamment à Sam Harris et Richard Dawkins1), Onfray en vient à confondre athéisme et islamophobie. Il se retrouve donc embarqué avec Zemmour et Le Pen, qui d’après lui est libertaire, parce qu’anti-Union Européenne2. On appréciera au passage la nouvelle définition donnée à ce mot par Onfray, définition qui n’apparaît ici que pour les besoins de sa démonstration, mais qui ne repose sur rien, historiquement parlant3. Au reste, il ne doit pas bien connaître le programme de Marine Le Pen, pour prétendre que celle-ci « aime la liberté ».

Cette défense de la liberté d’expression de l’extrême-droite est son droit, et, à la limite, je le rejoins là-dessus : laisser les ignobles s’exprimer, oui. Encore faut-il, si on se prétend de gauche, combattre ces idées. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Onfray est plutôt très léger sur ce dernier point. Il a aussi le droit d’être islamophobe (qui n’est pas, pratiquement, la haine de l’Islam, mais la haine des musulmans), ou plutôt plus islamophobe que christianophobe ou judéophobe, au prétexte que l’Islam serait prosélyte alors que les deux autres, non. Cette dernière analyse passe complètement sous silence les faits révélateurs du débat sur le mariage pour tous : à savoir que les chrétiens, et particulièrement les catholiques, sont bel et bien prosélytes. Mais Là n’est pas le sujet.

Quand i>télé décide de se séparer de Zemmour — qui pourra toujours contester aux prud’hommes s’il n’est pas d’accord —, cette séparation devient, pour Onfray, une censure ; inspirée du gouvernement, qui plus est. Bien sûr, cette dernière affirmation est sans preuves, seulement basée sur des conjectures. Cette notion que Zemmour serait censuré est assez comique quand on examine d’un peu près ses apparitions dans les médias. Il est typiquement un « bon client » : ses éructations garantissent toujours un minimum de spectacle, à défaut de débat sérieux. Il n’est donc pas près de ne plus avoir de tribune. D’ailleurs, un journaliste d’i>télé le dit clairement :

Une : vu l’exposition médiatique dont il a bénéficié, et dont il devrait en partie continuer à profiter… on a déjà vu par le passé des persécutions plus intenses. D’autant plus que personne n’a dit qu’on ne reverrait pas Eric Zemmour sur I>Télé. La chaîne a simplement décidé d’arrêter de l’employer en tant que chroniqueur, ça ne signifie pas tout à fait qu’il ne sera plus invité, mais cette fois sans être payé4.

Comme censure, on a vu pire, effectivement. Toutefois, ce chantre auto-proclamé de la liberté d’expression qu’est Onfray semble être très gêné quand cette dernière s’exerce à ses dépends. On l’a vu en avril 2013 à Balma, où, avec la complicité des édiles du coin et d’une salle venue pour admirer le « grand homme », il a fait écarter un jeune philosophe d’une table ronde, au prétexte que celui-ci l’avait traité d’imposteur. Il aurait pu saisir l’occasion pour montrer que, non, il n’était pas un imposteur. Au contraire, il a décidé d’user de sa notoriété pour faire évincer ce philosophe de la table ronde. Comme ce dernier le dit : il a dû toucher juste pour qu’Onfray refuse le débat5. Dans tous les cas, cette censure de la part d’Onfray est pathétique, au minimum…

Bref, c’est toujours la même chose avec l’extrême-droite et ses idiots utiles : la liberté d’expression ne fonctionne que dans un sens, le leur. Ils ont le droit de dire tout et n’importe quoi mais gare à ceux qui les contestent : eux seront censurés.

Qu’Onfray défende la liberté d’expression de Zemmour, je veux bien. Encore qu’il faudrait peut-être mettre les accusations de censure en perspective6. Mais, s’il veut avoir une quelconque crédibilité comme chantre de la liberté d’expression, peut-être devrait-il éviter de pratiquer lui-même cette censure, quand celle-ci l’arrange.


Suivant le célèbre adage « faites ce que je dis, pas ce que je fais », je lis une recension d’Onfray sur un livre d’une philosophe qui s’attaque à la nouvelle marotte de ce dernier : la « théorie du genre »7. Ce texte met une fois de plus en exergue l’ignorance d’Onfray sur le sujet, qui suggère, à l’instar de certains intégristes chrétiens, que l’orientation sexuelle — ou le genre — est un choix ; et donc un caprice. Ce positionnement va à l’encontre de tout ce qui est connu à ce niveau, mais comme ces études ne vont pas dans le sens d’Onfray, il ne doit pas les lire. De plus, il fait mine, encore une fois, de ne pas comprendre ce que sont les études de genre, à savoir l’étude de la formation des rôles genrés dans la société (un pompier, une femme de ménage). Cela doit être dur d’admettre que l’on peut se tromper.
Bref… Au regard de la citation qui suit, cette recension a quelque chose de comique :

Paris est un village dans lequel triomphe l’inceste intellectuel: pourvu qu’il soit prescripteur[…]8

Pourquoi ? Et bien, en fait, il ne s’agit pas d’une recension à proprement parler, mais plutôt d’un article infomercial déguisé : l’auteure est publiée chez Grasset, maison d’édition qui publie Onfray9. Conflit d’intérêt ? Copinage ? Service commandé de Grasset ? De toute évidence, Onfray, tout à sa dénonciation des pratiques des intellectuels parisiens, a négligé d’éviter d’intégrer ces dernières.


  1. http://www.theguardian.com/commentisfree/2013/apr/03/sam-harris-muslim-animus

  2. On peut entendre le délire d’Onfray sur Marine Le Pen « libertaire » à environ cinq minutes du début de l’interview.

  3. http://fr.wikipedia.org/wiki/Libertaire

  4. http://rue89.nouvelobs.com/2014/12/22/eric-zemmour-quelle-liberte-dexpression-parle-t-256698

  5. On trouvera ici une interview de Michael Paraire. Une vidéo de la censure de Paraire par Onfray est disponible sur Youtube.

  6. Zemmour aura toujours une tribune à RTL.

  7. http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20141219.OBS8406/la-theorie-du-genre-ce-nouveau-puritanisme-par-michel-onfray.html

  8. http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2014/09/26/31001-20140926ARTFIG00442-michel-onfray-sade-marine-le-pen-l-ecole-et-moi.php

  9. http://grasset.fr/recherche?search_api_views_fulltext=Onfray

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Le prix de la liberté d’informer — et de s’informer : une vigilance de tous les instants.

J’arrive au boulot le matin, je bois mon café en pensant aux expériences que je vais commettre dans la journée. Souvent, je regarde mes fils RSS pour lire des nouvelles diverses et variées — pas toujours reliées au travail, mais ça fait partie de mon rituel pour démarrer ma journée. Aujourd’hui, ce faisant, je tombe sur une courte brêve du site boingboing[^ boingboing]. Après TAFTA et, probablement, d’autres tentatives (il me semble en effet que ce n’est pas la première du genre), les émetteurs tentent de s’approprier un travail qui ne leur appartient pas. Pire, ils tentent de s’approprier des travaux qui sont soit dans les domaine public, soit sous licence « Creative Commons2 ». Dans le premier cas, le traité WIPO reviendrait à voler la population de la planète de quelque chose qui lui appartient collectivement (ou, tout au moins, qu’elle peut utiliser à loisir). Dans le second, elle nierait aux auteurs le droit de choisir quelle licence appliquer à leur propre création. Je me demande même si, dans ce dernier cas, elle ne pourrait pas aboutir à ce que des auteurs d’une œuvre sous licence CC soient poursuivis pour avoir utilisé ou diffusé leur œuvre après un diffuseur. Ce n’est ni plus ni moins qu’un hold-up. De plus, comme écrit sur boingboing, il sera illégal de briser des DRM apposés sur des œuvres du domaine public ou sous licence CC.
Comme l’auteur de l’article de boingboing le mentionne, on pensait que ces dispositifs étaient destinés à protéger les créateurs. Il semblerait plutôt qu’ils servent à les spolier.
Au-delà du débat sur la propriété intellectuelle des créations et du droit d’usage de celles-ci ; ce qui est en jeu ici est aussi la liberté d’informer — et par extension de s’informer : il remettrait en cause le concept de « fair use3 », qui autorise le fait de citer (pour un texte) ou de diffuser de courts extraits vidéos à l’appui d’une thèse plus large. Les journalistes, surtout indépendants n’auront plus les moyens de poursuivre leurs investigations, bien moins de les rendres publiques : ils devront payer pour ce faire ou être poursuivis pour avoir diffusé des extraits d’œuvres dont le poursuivant ne sera même pas l’auteur.
Le logo d’une organisation criminelle

L’organisation Creative Commons, qui gère les licences CC a écrit un article en 2012 (de toutes évidences ces discussions ne datent pas d’hier) sur le sujet : « WIPO’s broadcasting treaty, still harmful, still unnecessary »4 qui détaille leur position sur le sujet.


  1. http://boingboing.net/2014/12/10/un-wants-to-give-broadcasters.html#more-352494

  2. http://fr.wikipedia.org/wiki/Creative_Commons

  3. http://fr.wikipedia.org/wiki/Fair_use

  4. http://creativecommons.org/tag/wipo

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Science pathologique : Séralini en remet une couche.

En parcourant internet pour trouver de la matière pour un autre article, je suis tombé sur ça. Apparemment, donc, Séralini aurait découvert que les pesticides vendus aux agriculteurs et aux jardiniers seraient « étaient de 2 à 1.000 fois plus toxiques que les principes actifs qui sont les seuls à être testés ». Le journal qui publie cet article est « Biomed Research International », qui appartient à Hindawi Publishing Corporation. Ne connaissant pas ce journal, ni cet éditeur, je me suis rendu sur la liste de Jeffrey Beall recensant les « éditeurs prédateurs » afin de vérifier qu’Hindawi ne faisait pas partie de cette liste. Apparemment non, mais voici ce que Jeffrey Beall a à dire sur cet éditeur :

Généralement, je fais mes analyses au niveau de l’éditeur et pas au niveau d’un seul journal. Hindawi ne fait pas partie de ma liste d’éditeurs prédateurs. Mais je reçois des plaintes au sujet d’Hindawi. Ils spamment beaucoup, la plupart de leurs 500 journaux n’a pas de rédacteur-en-chef et il semble qu’il s’agit d’un éditeur qui a plutôt les besoins des auteurs à cœur que ceux des lecteurs.

Bizarre ? Peut-être. Un autre commentateur fait part de sa satisfaction à l’égard d’un journal de cet éditeur, pour immédiatement ajouter que le processus de validation par les pairs est « léger ». Ce commentaire est fait par rapport à un journal seulement, et pas Biomed Research International (BRI). Cela ne veut pas dire que ce dernier journal est mauvais. Oui, son facteur d’impact est — relativement — faible, mais cela ne signifie pas grand-chose : un journal peut, par exemple, être extrêmement spécialisé et donc, logiquement, avoir peu d’impact. Ceci étant, cela ne me semble pas être le cas d’un journal qui s’appelle « Biomed Research International ». Lire la suite

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Traduction de l’intervention de Mark Lynas à la « Oxford farming conference » de 2013

Un document important. Je ne sais pas quelle a été sa diffusion dans le monde francophone, du coup, je lie le blog où l’on peut trouver une traduction de l’intervention de Mark Lynas à la « Oxford farming conference » de janvier 2013.

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24 décembre 2013 · 202 15

OGM : un changement de perspective et d’opinion

Poisson trangénique fluorescent (CC Wikimedia)

Poisson transgénique fluorescent, une menace pour la diversité biologique ou seulement un exemple de la puissance de la biologie moléculaire ? (CC Wikimedia)

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p style= »text-align:left; »>Tout le monde a entendu parler, en France, de Gilles-Éric Séralini, le chercheur qui aurait soit-disant démontré la nocivité des OGM. Tout le monde, ou presque, est au courant de la polémique qui a suivi la publication, par le Nouvel Obs, d’articles (en voici un exemple, qui ne se prive pas de faire de la pub pour un bouquin dudit Séralini) dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont absolument pas un exemple de journalisme à suivre. Moins de gens, en tout cas en France, semblent être conscients du fait que, outre que les méthodes médiatiques de Séralini ont indigné les journalistes scientifiques français ou américains, sa méthodologie — et donc ses conclusions — sont largement contestées au sein de la communauté scientifique. Si l’on n’en est pas convaincu, on pourra lire cet article, ce communiqué, ou encore, celui-là.

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L’intervention au Mali : vers un nouveau Rwanda ?

Contrairement à mon intention première, mon premier article sur ce blog ne sera pas un article sur les sciences et leur communication — je comptais écrire sur « l’affaire » Séralini. L’actualité s’est récemment faite plus pressante, dans un domaine autre que les sciences. Suite à cette excellente note (en), j’ai pensé qu’il valait la peine d’écrire un peu sur le Mali. Tout d’abord une chose : la situation actuelle au Mali est la conjonction, comme cela a été noté ailleurs (dont la note citée plus haut) de la colonisation, de la « guerre au terrorisme » — dont Hollande nous refait une version française — et de l’aventurisme des occidentaux en Lybie. Toutes choses qui, comme l’a noté Chomsky dans son livre  « État manqué » augmentent le risque d’attaques terroristes. Lire la suite

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